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DÉESSE ET
HISTOIRE
Les origines matrilinéaires
et le culte des Ancêtres.
Les origines matrilinéaires
(filiation par la mère) reposent comme nous l'explique S.G.F BRANDON, professeur
de religion comparée de l'Université de Manschester, en Angleterre :
" L'origine de l'embryon qui se développe dans le ventre maternel est sans aucun
doute un mystère aux yeux de l'homme primitif... étant donné le temps qui sépare
la fécondation de la naissance, il est probable que ce dernier a accordé une
signification et une valeur à la gestation et à la naissance bien avant de comprendre
que ces phénomènes étaient le résultat de la conception lors du coït."
"James FRAZER, Margaret
MEAD et d'autres anthropologues ont démontré que dans les premières étapes du
développement de l'humanité, lorsque les hommes ne connaissaient pas encore
le mystère de la fécondité humaine ni la relation entre le coït et l'enfantement,
on vénérait la femme comme source de vie. La participation des hommes à la reproduction
n'étant pas encore connue, on croyait que seules les femmes pouvaient se reproduire."
'Léonard Cottrell'.
Dans ce cas la mère devait être considérée comme l'unique chef de famille et
la seule responsable de la génération future. La descendance familiale s'effectuait
selon la lignée des femmes, c'est-à-dire de mère en fille. Dans de telles sociétés,
les noms, les titres, les biens et les droits territoriaux se transmettaient
par la lignée des femmes, afin de les conserver à l'intérieur du clan. Les origines
des croyances et des rituels religieux ainsi que leurs liens avec le système
matrilinéaire constituent le second ensemble de preuves. Les notions religieuses
des tous premiers homo sapiens se sont développées à partir de cette quête de
l'origine première de la vie (qui constitue le noyau de toute pensée théologique).
"Dans les sociétés du paléolithique supérieur, où la mère était considérée
comme la seule et unique parente, où le culte des ancêtres constituait apparemment
la base des rites sacrés et où la généalogie ne tenait compte que de la lignée
des femmes, l'image que le clan se faisait du créateur de la vie humaine était
celle de la toute première femme qui fut déifiée comme l'Ancêtre Divine. Les
nombreuses statuettes de femmes , qui ont été très souvent appelées Vénus nous
en fournissent d'autres preuves tangibles. Bien qu'on a pas encore établi de
liens formels entre les statuettes féminines du paléolithique et l'émergence
du culte de la Déesse dans les sociétés néolithiques et antique du Proche et
Moyen Orient, du bassin méditerranéen et de l'Orient."
(Merlin STONE - Quand Dieu
était Femme.)
Selon le poète et mythologue Robert GRAVES, "d'après les outils et les mythes
qui nous sont parvenus, la totalité de l'Europe néolithique possédait un ensemble
de concepts religieux remarquablement homogène, centré autour du personnage
de la Déesse Mère aux si nombreuses appellations, et qu'on connaissait aussi
en Syrie et en Libye... La grande Déesse était immortelle, immuable et omnipotente,
et le concept de père n'était pas encore apparu dans la pensée religieuse."
Nous arrivons à l'invention de l'écriture avec laquelle débute la période historique,
à la fois à Sumer (dans le sud de l'Iraq) et en Egypte 3000 ans avant notre
ère. A l'époque historique, la Déesse Mère est vénérée dans tous le Proche et
Moyen Orient. Malgré les nombreuses transformations qui ont affecté la religion
de la divinité femme au cours des siècles, son Culte subsistera jusqu'aux périodes
classiques gréco-romaines. Il ne disparaîtra complètement qu'en l'an 500 de
notre ère, date à laquelle les empereurs chrétiens de Rome et de Byzance fermèrent
les derniers temples de la Déesse. Mais son culte perdura certainement encore
longtemps d'une façon souterraine, enfouie et mystérieuse comme nous le prouve
Apulée et certainement bien d'autres.
L'Ancêtre Divine, que la plupart
des auteurs surnomment la Déesse Mère, était la divinité suprême de toutes les
sociétés néolithiques et du début du chalcolithique, pour qui Elle représentait
non seulement la reproductrice de toute vie humaine mais aussi la source de
toutes les récoltes. "Les premières tentatives d'agricultures se sont déroulées
autour des autels de la Déesse-Mère, qui furent autant d'autre échanges économiques
et sociaux que des lieux sacrés. C'est là qu'il faut chercher le germe des cités
futures." Écrivit C. Dawson.
"On ne peut dire avec certitude si le culte très ancien qui gravitait autour
des processus mystérieux de la naissance de de la fécondité et qui trouva son
expression au Paléolithique et au Néolithique fut une dévotion dédiée à une
seule déesse ou au contraire à plusieurs divinités qui personnifiaient et ordonnaient
tous les aspects de la fécondité et de la génération. On peut toutefois affirmer
en toute sécurité que ce furent des idées de cet ordre qui, à l'époque où débutaient
au Proche-Orient antique l'agriculture et l'élevage, présidèrent à la personnification
d'un ou de plusieurs êtres divins, bientôt de plus en plus nettement définis.
Tout au début c'est, semble-t-il, sous l'aspect d'une Déesse Vierge, que de
l'Inde à la Méditerranée, la divinité acquit une influence dominante." Écrit
E.O. JAMES dans le Culte
de la Déesse-Mère.
"Ici se sont les femmes qui détiennent le pouvoir, elles ne sont plus seulement
des génitrices mais les principales productrices de la nourriture. En réalisant
qu'il était possible de cultiver la terre tout autant que d'en cueillir les
fruits, les femmes ont donné une valeur à la terre dont elles sont devenues
les détentrices. C'est ainsi qu'elles acquirent un certain prestige et un pouvoir
économique et sociale." D'après W. SCHMIDS, cité par
Joseph CAMPBELL dans Primitive Mythology.
Nous trouvons le même pensée chez Mircea
ELIADE dans Le sacré et le profane : "La femme est donc mystiquement solidarisée
avec la Terre; l'enfantement se présente comme un variante, à l'échelle humaine,
de la fertilité tellurique. Toute les expériences religieuses en relation avec
la fécondité et la naissance ont une structure cosmique. La sacralité de la
femme dépend de la sainteté de la Terre. La fécondité féminine a un modèle cosmique
: celle de la Terra Mater, la Genitrix universelle.(...)". "Dans certaines religions,
la Terre-Mère est imaginée capable de concevoir toute seule, sans l'aide d'un
parèdre. On retrouve encore les traces de telles idées archaïques dans les mythes
de parthénogenèse des déesses méditerranéennes. C'est une expression
mythique de l'autosuffisance et de la fécondité de la Terre-Mère. A de telles
conceptions mythiques correspondent les croyances relatives à la fécondité spontanée
de la femme et à ses pouvoirs magico-religieux occultes qui exercent une influence
décisive sur la vie des plantes. Le phénomène social et culturel connu sous
le nom de "matriarcat" se rattache à la découverte de la culture des plantes
alimentaires par la femme. C'est la femme qui cultiva, la première, les plantes
alimentaires. C'est elle qui naturellement devient le propriétaire du sol et
des récoltes. Les prestiges magico-religieux et, et par voie de conséquence,
la prédominance sociale de la femme ont un modèle cosmique : la figure de la
Terre-Mère."
Autre caractéristique de la société matrilinéaire, c'est que celle-ci se développe
en une communauté régit sous le principe d'égalité, comme le souligne J. EVOLA
dans Révolte contre le monde moderne : " De même que les feuilles ne naissent
pas de l'une de l'autre, mais du tronc, de même, si c'est l'homme qui suscite
la vie, celle-ci est effectivement donnée par la mère : telle est ici la prémisse.
Ce n'est pas le fils qui perpétue la race; il a une existence purement individuelle
limitée à la durée de sa vie terrestre. La continuité se trouve au contraire
dans le principe féminin, maternel. D'où la conséquence que la femme, en tant
que mère, se trouve au centre et à la base du droit de la gens ou de la famille
et la transmission se fait par ligne féminine. Et si de la famille on passe
au groupe social, on en arrive aux structures de type collectivisme et communiste
: lorsqu'on invoque l'unité d'origine et le principe maternel, dont tout le
monde descend d'égale manière, l'aequitas devient l'aequalitas, des rapports
de fraternité universelle et d'égalité s'établissent spontanément, on affirme
une sympathie qui ne connaît pas de limites ni de différences, une tendance
à mettre en commun tout ce qu'on possède, et qu'on a d'ailleurs reçu comme cadeau
de la Mère Terre."
Le Culte de la Déesse Mère
est caractérisé par plusieurs éléments qui se recoupent : les statues, les titres,
les symboles (le serpent, la vache, la colombe et la hache à double tranchant),
les prêtres eunuques, la relation qui unit la Déesse à Son fils/amant, la mort
de celui-ci et les lamentations qui rappellent chaque année cette mort, l'accouplement
sacré et les coutumes sexuelles du temple, et nous le retrouvons dans des régions
aussi éloignées dans le temps et dans l'espace que l'étaient Sumer, la Grèce
classique et Rome.
Lorsque de toute évidence , on découvrit le rôle important de l'homme et devient
le géniteur, la Déesse fut accompagnée par un époux/frère/fils/amant. Cet époux
, toujours jeune est appelé Damuzy, Tammuz, Attis, Adonis, Osiris ou Baal selon
les langues, mourait en pleine jeunesse et était le plus souvent ramené a à
la vie par la Déesse après maintes péripéties et surtout celle de descendre
aux Enfers rechercher son bien aimé et tout cette légende symbolisait le cycle
végétal.
Le professeur E.O JAMES nous donne une description des relations entre Déesse
et Son fils/Amant, dans The Ancients Gods :
"C'est elle la responsable de la guérison et de la résurrection du jeune dieu
dont dépend le renouveau de la nature. En dernière analyse, c'est bien Inanna/Ishtar
et non Damuzi/Tammuz qui est la source primordiale de la vie et de son renouvellement,
alors que le jeune dieu est utilisé comme instrument dans ce processus... Lorsqu'on
commença à domestiquer les animaux, la fonction du mâle dans le processus de
reproduction apparut plus clairement: on assigna alors à la Déesse Mère le rôle
d'épouse, et c'est lui qui devint le géniteur, même si en Mésopotamie par exemple,
il demeura le jeune fils/amant ou le serviteur. De l'Inde à la Méditerranée,
s'étendait le règne de la déesse célibataire."
Nous trouvons le même développement en relation avec le cycle des saisons et
de la végétation chez James FRAZER dans le Ramaux d'Or :
"Les trois divinités Adonis, Atys et Osiris (époux respectif des trois déesses
Astarté, Cybèle et Isis) incarnaient les forces de la fertilité en général et
de la végétation en particulier. Toutes trois passaient pour être mortes et
s'être levées d'entre les morts; on représentait dramatiquement leur mort et
leur résurrection à des fêtes annuelles que leurs fidèles célébraient
avec des transports alternés de douleur et de joie, de larmes et d'allégresse
triomphante.(...) Mais ces trois dieux n'étaient pas les seuls. La personnification
mythique de la nature, dont ils étaient tout trois le produit, que chacun d'eux
fût uni à une déesse et il semble qu'à l'origine, dans chaque cas, la déesse
était un personnage plus important et plus puissant que le dieu. Du moins c'est
toujours le dieu, et non la déesse, qui périt tristement et dont on pleure chaque
année la mort. Osiris, par exemple, avait été tué par Typhon; mais son épouse
divine Isis, lui survécut et le ramena à la vie. Ce détail du mythe semble indiquer
que, dans le principe, Isis était, ainsi qu' Astarté et Cybèle ne cessèrent
jamais d'être la divinité la plus puissante dans le couple. Or cette supériorité
de la déesse sur le dieu s'explique le plus naturellement comme le résultat
d'un système social dans lequel la maternité comptait plus que la paternité;
la filiation s'y faisait par les femmes, la propriété s'y transmettait par les
femmes plutôt que par les hommes."
Pour revenir aux pouvoirs "magico-religieux" du culte de la Déesse Mère liés
à l'agriculture, et dont la femme est le réceptacle, nous abordons, les Mystères
d'Eleusis. James FAZER, dans le Rameau d'Or, nous donne plus de précision sur
ces mystères :
"Dans le mythe de Déméter et Perséphone, l'ancienne légende réapparaît, sous
une autre forme et avec une application différente. En substance, le mythe est
identique au mythe syrien d'Aphrodite (Astarté) et d'Adonis, ainsi qu'au mythe
phrygien de Cybèle et d'Atys, et au mythe d'Isis et d'Osiris. Dans la légende
grecque, comme celle d'Asie et d'Égypte, une déesse pleure la mort d'un
être cher, qui personnifie la végétation, et plus particulièrement le blé; qui
meurt en hiver pour renaître au printemps; mais tandis que l'imagination orientale
représentait l'être aimé et perdu comme un amant ou un époux, l'imagination
hellénique exprimait la même idée dans la forme plus touchante et plus pure
d'une fille morte sur laquelle se lamente une mère éplorée".
Une analogie est faite entre
le cycle des saisons et le cycle de mort et renaissance de l'âme. "A
Eleusis, les mystères de Déméter - célébrés
au début du printemps et en automne - comprenaient des rites secrets
au cours desquels les initiés mouraient à leur vie passée
avant de renaître à une nouvelle vie (entre-temps leur âme
opérait un retour aux origines), revivant ainsi, de façon symbolique,
la descente aux Enfers et le retour sur terre de la divinité, et ayant
la révélation du fait que la vie n'a pas de fin, mais se transforme
sans cesse, et que ce processus est personnifié à la fois par
la Déesse, la nature et l'humanité ; le grain étant le
symbole de cette vie éternelle." - La Grande Déesse-Mère
- Shahkrukh Husain.